Dans les débats sur la croissance en Afrique, on insiste souvent sur le "changement de mentalité" comme clé pour surmonter l'adversité. Les dirigeants, les experts et les médias vantent les mérites d'un "état d'esprit orienté vers la croissance" qui permettrait aux individus de surmonter les défis sociaux et économiques du continent. Sans nier le pouvoir de la mentalité, nous restons toutefois convaincus que le fait de miser uniquement sur celle-ci revient à simplifier à l'extrême une réalité bien plus complexe. Si nous voulons véritablement soutenir la transformation de l'Afrique, nous devons aller au-delà d'une approche axée uniquement sur l'état d'esprit et nous attaquer aux structures qui lui donnent tout son sens.
Pourquoi l'état d'esprit seul ne suffit pas
Notre travail auprès des dirigeants africains nous a montré que la résilience et la pensée positive peuvent faire une différence inspirante, mais qu'elles sont souvent insuffisantes sans un environnement favorable. Partout sur le continent, les entrepreneurs et les aspirants dirigeants sont confrontés à des obstacles réels et systémiques. Nous avons discuté avec des personnes talentueuses animées par une vision pour leur communauté, mais leur développement est freiné par un manque de ressources (infrastructures de base, accès aux marchés ou financement).
Nous avons vu des entrepreneurs paralysés par des taux d'intérêt élevés, des infrastructures médiocres et un accès limité à des réseaux fiables leur permettant d'entrer en contact avec les consommateurs. Il s'agit là de défis structurels que l'état d'esprit seul ne peut surmonter. Si le Rwanda est souvent cité comme exemple du pouvoir de la transformation des mentalités, son succès repose également sur un soutien politique fort, des partenariats internationaux stratégiques et des investissements dans les infrastructures sociales. Pour réussir véritablement, les individus et les communautés ont besoin de plus qu'une attitude positive ; ils ont besoin de ressources et de soutien.
L'importance du contexte
Le contexte est extrêmement important en Afrique. Le manque de ressources, la pauvreté systémique et le taux de chômage élevé peuvent décourager même les personnes les plus déterminées et les plus axées sur la croissance. Supposer que les Africains peuvent sortir de la pauvreté par la seule force de leur volonté, c'est ignorer le poids de ces obstacles concrets. Ce discours, bien qu'il parte souvent d'une bonne intention, fait peser un fardeau excessif sur les individus et risque de perpétuer un cycle de frustration et de désillusion lorsque les attentes ne sont pas satisfaites.
De nombreux entrepreneurs africains ont la passion et les idées nécessaires pour changer les choses. Leur potentiel est immense et ils peuvent être une source d'espoir et d'inspiration. Cependant, ils se sentent limités par l'absence de systèmes de soutien qui leur permettraient d'aller de l'avant. Ils ont investi leur temps, leur énergie et leurs ressources, mais ils se heurtent à des obstacles créés par des infrastructures médiocres, un soutien gouvernemental limité et un manque de capitaux. Sans remédier à ces limites, le changement de mentalité peut sembler être une promesse non tenue, offrant une inspiration sans voie réaliste.
Au-delà de la mentalité : à quoi ressemble un soutien réel
Une véritable transformation se produit lorsque nous combinons changement de mentalité et autonomisation structurelle. Les politiques qui soutiennent l'éducation, les soins de santé, les infrastructures et l'accès équitable aux marchés ne se contentent pas de créer des opportunités ; elles permettent aux individus de tirer parti de leur changement de mentalité de manière à générer un impact réel. Les dirigeants qui s'attachent à créer des écosystèmes favorables font toute la différence.
Par exemple, si l'état d'esprit peut susciter l'enthousiasme, il doit s'accompagner d'actions concrètes. Lorsque les gouvernements donnent la priorité à l'industrialisation, encouragent l'innovation et promeuvent des pratiques de prêt équitables, ils créent les conditions propices à l'épanouissement de l'état d'esprit. C'est là que l'état d'esprit et les infrastructures se rencontrent, et que de réels progrès commencent à prendre racine. D'après mon expérience, il ne suffit pas de dire "vous pouvez le faire" sans donner aux gens les outils et les systèmes qui leur permettent d'y parvenir. Le changement ne se produit pas seulement par la volonté, mais aussi grâce aux ressources qui permettent de concrétiser cette volonté.
Une voie équilibrée pour l'avenir
Nos travaux nous ont conduit à croire fermement à la nécessité d'une approche équilibrée du développement africain. Nous devons certes inciter les individus à penser au-delà de leurs limites, mais nous devons également leur fournir les outils nécessaires pour transformer leurs aspirations en réalité. Pour favoriser un leadership résilient en Afrique, nous devons créer un environnement où la résilience ne consiste pas à surmonter des difficultés inutiles et évitables.
En fin de compte, le cheminement de l'Afrique vers la croissance ne dépend pas uniquement d'un état d'esprit, mais aussi de la création d'environnements favorables qui nourrissent cet état d'esprit. En tant que dirigeants, défenseurs et parties prenantes, nous avons la responsabilité envers le continent d'aborder la croissance avec une stratégie globale, qui non seulement encourage les Africains à croire en leur potentiel, mais leur donne aussi les moyens de le réaliser.
En Afrique, l'ambition, la vision et la résilience ne manquent pas. Ces qualités sont abondantes et constituent le moteur du potentiel du continent. Ce qu'il faut maintenant, c'est un environnement plus favorable qui permette à ces qualités de transformer les vies et les communautés. Il est temps d'aller au-delà des mentalités et de créer un changement durable en s'attaquant aux structures qui rendent le succès durable. Soyons fiers de ces qualités et travaillons à un avenir où elles pourront véritablement s'épanouir.